« Les footballeurs prennent la place des héros, dans l’ère du vide » selon Robert REDEKER, le philosophe, auteur notamment de L’Emprise sportive*, analyse le phénomène NEYMAR.
INTERVIEW par Vincent TREMOLET DE VILLERS du FIGARO, (édition du 2017.08.03) reprise par ICEO dans un article du vendredi 4 août 2017 que nous reproduisons in extenso car il est particulièrement intéressant. Nous remercions ICEO de son autorisation.
LE FIGARO. – Pour le Quatar comment expliquer une telle fébrilité ?
Robert REDEKER. – D’une part, l’intérêt diplomatique du Qatar, à un moment où cet État est en difficulté politique, menacé de boycott voire de blocus, joue un grand rôle dans cette affaire. Les dirigeants de ce pays cherchent à compenser sur le plan de l’image et de la communication internationale une défaite politique par une victoire sportive en Ligue des champions, en y mettant les pétrodollars nécessaires. Sans compter que la gloire sportive peut servir de protection contre des sanctions politico-économiques.
D’autre part, l’argent, depuis la crise de 2008, est devenu à son tour un spectacle. Le grand spectacle de l’argent s’est mis en scène. Après la politique-spectacle a émergé l’argent-spectacle. La dernière campagne présidentielle a vu ce spectacle de l’argent dévorer la politique elle-même, au point d’éliminer François FILLON. Un partage simpliste entre le bien et le mal traverse le scénario de ce spectacle : le mauvais argent (celui des politiques, des patrons, des hauts fonctionnaires) qui serait illégitime, suscitant la haine, et le bon argent (celui des footballeurs, des stars du show-biz et de la télévision) qui, légitime, engendre l’admiration.