Nous empruntons à Philippe BILGER Magistrat honoraire (voir en fin de page) un article qui nous a particulièrement intéressé :
« L’inquiétant déclin de la natalité française » a suscité beaucoup d’analyses qui pour l’essentiel s’en tiennent à des données économiques, sociales ou professionnelles (Le Figaro). Les couples n’auraient plus assez de revenus, l’État n’aurait pas une politique suffisamment généreuse à l’égard des familles et les femmes seraient souvent obligées de trancher en faveur d’une vie active à l’extérieur de leur foyer.
C’est sans doute en partie vrai. Je suis bien obligé de l’admettre puisque j’entends quotidiennement des argumentations ou des justifications purement quantitatives pour expliquer le refus d’enfants ou la volonté d’en rester à un enfant unique. Il y a quelques années, dans un reportage télévisé, j’avais relevé une phrase où le couple n’hésitait pas à faire dépendre son nombre d’enfants de la contenance de sa caravane.
Sans tomber dans une approche aussi prosaïque, il est patent que le désir d’enfant devient une donnée infiniment relative qui est soumise pour sa concrétisation à des éléments qui pèsent davantage que le bonheur de la procréation elle-même.
Le droit à l’enfant n’est paradoxalement que le dévoiement d’un désir d’enfant en renvoyant l’attente généreuse et altruiste de celui-ci vers une exigence narcissique et capricieuse qui ne le concerne plus ou à peine.
Pour ne pas évoquer la gestation pour autrui qui est tout simplement « un marché de la personne humaine » face auquel les féministes de tous bords devraient s’indigner si elles étaient cohérentes. Quand le droit à l’enfant conduit à répudier l’humanisme même le plus basique, on a le devoir, pour le moins, de questionner ce droit (Le Monde).
Je provoque mais si l’on consacrait la même énergie, la même intelligence à rendre hommage à la procréation qu’on en met pour défendre toutes griffes dehors l’avortement, cela pourrait s’appeler un progrès ou au moins un rapport plus équilibré entre la naissance et l’effacement.
L’enfant-roi qui pourrait laisser croire à l’existence de parents tellement épris de l’enfance et de sa liberté qu’ils lui laisseraient faire par amour à peu près n’importe quoi est lui-même une dénaturation d’un authentique désir d’enfant.
L’enfant réclamé par des adultes pour leur seul bénéfice ou l’enfant petit potentat, deux manières qui dégradent la magie de l’enfance, quand on l’espère et qu’elle vous comble par avance grâce à ce qu’elle a d’unique et de puissant.
Je ne suis pas davantage convaincu par les humanistes hypocrites qui prétendent ne pas faire venir au monde des enfants pour leur bien. Cet univers serait trop dur pour qu’on puisse y jeter un enfant ! En traduisant, quelle incommodité, quelle gêne qu’un petit bout d’être qui viendrait mordre un peu sur notre destin personnel !
Il n’est vraiment pas nécessaire, pour faire « scientifique », de s’aventurer dans des justifications sociologiques. Il suffit de comparer hier avec aujourd’hui, les attitudes passées avec celles de maintenant. Combien de fois ai-je remarqué le changement radical qui s’est opéré chez beaucoup de parents au fil des années, dans le métro ! Au lieu qu’il y ait entre eux et les tiers jetant un tendre regard sur leur progéniture de quelques mois une complicité délicate, dorénavant c’est au mieux de l’indifférence, voire pire, presque de l’hostilité, comme si l’intérêt affectueux d’autrui était une menace.
Je tire de ces évolutions, de cette moindre consécration de l’enfance qui n’apparaît plus comme un trésor à partager d’une certaine manière par tous mais tel un bien à privatiser, que les temps ont changé et que, si la natalité française est en baisse, cela tient d’abord à ce que l’amour des enfants est lui-même en baisse. Je m’en désole d’autant plus que depuis toujours je fonds devant les bébés, qui représentent un quatrième âge si merveilleux de grâce et d’innocence.
Il n’y a à jeter la pierre à personne – la liberté est une valeur trop précieuse pour ne pas bénéficier même à ceux pour qui seul leur avenir compte – mais qu’on ne vienne pas cependant décourager ceux qui croient à la vie, donc à l’enfant, et ne répugnent pas à mettre de la douceur là où on en manque. Il faudrait surtout les féliciter.
Au nom de tous.
Philippe BILGER Magistrat honoraire
Vivre l’Yonne s’est approprié la réflexion de Philippe BILGER. Philippe BILGER a été haut Magistrat. Avocat Général, représentant le Ministère public, il a eu la lourde responsabilité de requérir contre Émile LOUIS dans le Procès d’assises qui a eu lieu à Auxerre en novembre 2004. Aujourd’hui, il est Président de l’Institut de la Parole. Il tient des chroniques et intervient fréquemment sur des sujets politiques ou de justice, dans les médias et sur son blog. Il a autorisé Vivre l’Yonne justement à faire un lien sur son blog (voir en haut de page ). On peut être d’accord avec ses positions ou au contraire les refuser totalement, – choix que Vivre l’Yonne qui se veut apolitique ne saurait trancher -, il reste que Philippe BILGER provoque et incite justement à une réflexion personnelle qui, peut être, nous éloigne un peu de la « dictature » de certains médias notamment télévisuels qui captent complétement notre libre arbitre.
Jean Louis Druette |
Cet article intéressant pointe des questions très graves de notre société… Je ne peux pas m’empêcher de citer ce beau texte de Khalil Gibran:
« Et une femme qui portait un enfant dans les bras dit,
Parlez-nous des Enfants.
Et il dit : Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même,
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter,
pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux,
mais ne tentez pas de les faire comme vous.
Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s’attarde avec hier.
Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L’Archer voit le but sur le chemin de l’infini, et Il vous tend de Sa puissance
pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.
Que votre tension par la main de l’Archer soit pour la joie;
Car de même qu’Il aime la flèche qui vole, Il aime l’arc qui est stable. »
(extrait du recueil Le Prophète)
Le commentaire de CAMI, à travers le texte cité entre autres, interroge sur le DROIT à l’ENFANT.
On a droit à un travail, à la santé, au logement, au bonheur …
Parler du droit à l’enfant c’est lui enlever son humanité; c’est traiter l’enfant, une personne, comme un bien.
On comprend parfaitement par contre le désir d’enfant, bien légitime et complétement naturel. Le droit à l’enfant pose question. C’est tout le débat de la PMA aux femmes homosexuelles, de la GPA …
Effectivement, qu’il n’y ait pas confusion entre DROIT à l’enfant et DESIR d’enfant. Le désir est viscéral, inné, naturel. Il suit l’évolution de la femme, avec son pic ovulatoire de fécondité. Mais bien au-delà du cycle naturel de la vie, il y a ce désir, induit par l’amour de l’homme, potentiel géniteur de cet enfant. Depuis la nuit des temps, c’est ce trio qui est à l’origine de la « reproduction » naturelle, qu’il aboutisse à une famille avérée ou non.
Mais pourquoi s’insurger contre les débats actuels qui retireraient aux couples homosexuels, parent isolé, ce « DROIT » à l’enfant qui cache tout simplement le DESIR… Des enfants actuellement sont confrontés à des situations complexes, de familles recomposées ou autres problèmes, sera-t-il plus compliqué, pour les enfants issus de PMA et de GPA, de leur expliquer combien ils ont été désirés ?