On parle beaucoup de l'ARS, mais connaissons nous bien cet organisme très important dans le fonctionnement de notre système de santé et sanitaire. L'IFRAP propose une étude intéressante sur l'ARS. Nous vous en proposons des extraits. C'est un avis. Au lecteur de se faire sa propre idée et se documenter par ailleurs. L'IFRAP est une Fondation dédiée à l'analyse des politiques publiques.
L’ARS, son fonctionnement, ses limites.
Avant la crise, pendant la crise et après la crise, les Agences régionales de santé (ARS) ont été vivement critiquées : un échelon clef de la bureaucratie handicapant le travail des professionnels de santé. Un changement complet de perspectives pour les ARS qui avaient été créées dix ans plus tôt dans l’enthousiasme général. La crise sanitaire que nous avons traversée montre que la situation actuelle ne donne plus satisfaction et qu’il faut déléguer un rôle plus important aux élus locaux au sein des ARS.
« Les ARS sont une bureaucratie supplémentaire. Le ministère est déjà lourd en fonctionnement, avec les ARS en plus, cela fait beaucoup. Et les relations avec les agences dépendent aussi beaucoup de la personnalité des directeurs ! L’épidémie a mis à jour des dysfonctionnements, des élus se sont sentis méprisés. Il y a un gros travail de débureaucratisation à faire. » dit Frédéric Valletoux, Président de la Fédération Hospitalière de France, La Gazette des communes, le 14 mai 2020.
Organisation des ARS
Il y a une ARS par région administrative. Les agences régionales de santé définissent et mettent en œuvre la politique de santé en région. Ce sont des établissements publics, autonomes moralement et financièrement, placés sous la tutelle du ministère des Affaires Sociales et de la Santé.
Elles sont la fusion des représentants de l’État et de l’assurance maladie : anciennes Agences régionales d’hospitalisation (ARH), groupements régionaux de santé publique, unions régionales des caisses d’assurance-maladie (URCAM), DDASS et DRASS, des caisses régionales d’assurance maladie, du régime social des indépendants et de la MSA et des directions régionales de service médical.
La gouvernance des ARS est assurée par un directeur général et un conseil de surveillance.
Les ARS ont été créées par la loi Hôpital, Patients, Santé, Territoire (HPST), dite loi Bachelot, dans un souci de simplification, l’objectif étant pour le gouvernement, de disposer dans chaque région d’un représentant unique sur un large périmètre d’intervention sanitaire, et pour les différents intervenants de disposer d’un interlocuteur unique.
Les missions de l’ARS
Les ARS sont chargées de deux grandes missions :
1. le pilotage de la politique de santé publique :
Ce pilotage en région comprend trois champs d’intervention :
- La veille et la sécurité sanitaires, ainsi que l’observation de la santé ;
- La définition, le financement et l’évaluation des actions de prévention et de promotion de la santé ;
-
L’anticipation, la préparation et la gestion des crises sanitaires, en liaison avec le préfet.
2. La régulation de l’offre de santé en région
- Elle vise à mieux répondre aux besoins et à garantir l’efficacité du système de santé ;
- Elle porte sur les secteurs ambulatoire (médecine de ville), médico-social (aide et accompagnement des personnes âgées et handicapées) et hospitalier.
L’ARS, outil national, plus que régional.
L’organisation de l’ARS démontre la mainmise de l’État centralisateur sur l’organisation de la santé en région.
Le directeur général de l’agence : Il est nommé en Conseil des ministres et est responsable de la définition de la stratégie régionale de santé. Il dispose de larges compétences et s’appuie sur un dispositif de concertation avec de nombreux acteurs qui participent à la politique de santé, notamment l’assurance maladie, les conseils départementaux, préfets, union des professionnels libéraux et sur des délégations territoriales.
Mais au niveau national, le travail des agences régionales de santé est coordonné par le conseil national de pilotage (CNP) des ARS qui fixe leurs objectifs, la gestion de leurs moyens financiers et humains. Le lien avec le ministère central reste donc très fort.
Le Conseil de surveillance : Il est présidé par le Préfet de région ce qui illustre la tutelle de l’État sur la gestion décentralisée de la politique de santé. Ce conseil est composé de représentants de plein exercice (représentants de l’État, des partenaires sociaux, de l’Assurance maladie, des élus, des usagers, et personnes qualifiées) et de membres siégeant avec voix consultative : représentants du personnel de l’agence, directeur général.
Il approuve le compte financier mais émet seulement un avis sur le projet régional de santé ou encore les résultats de l’action menée par l’agence. Une situation tout à fait originale comparée à l’engagement des Länder allemands dans la politique de santé. Les conseils régionaux n’avaient que jusque récemment 1 voix au conseil de surveillance (ils en ont obtenu 2). Néanmoins, les conseils régionaux pourraient légitimement réclamer plus de poids dans les ARS, et notamment sur la réalisation du projet régional de santé qui est fixé par les ARS après concertation avec tous les acteurs de santé.
Pour Frédéric Bizard, économiste spécialiste de la santé, la loi HPST qui a conduit à la mise en place des ARS a déconcentré mais pas décentralisé. « C’est un service déconcentré de l’État sans autonomie ni pouvoir » confirmait récemment JM Bockel, auditionné au Sénat. Et en parallèle il n’y a pas eu de remise en cause de l’organisation du ministère de la santé en central. La simplification voulue par la loi HPST est restée un vœu pieux. En témoigne d’ailleurs le coût d’administration de notre système de santé, le plus élevé de l’UE.
Si les ARS n’ont pas réussi à incarner une véritable décentralisation, elles n’ont pas non plus réussi à accomplir intégralement leurs missions.
Politique de santé publique : un pilotage déficient.
En temps normal, les actions des ARS dans ce domaine sont purement qualitatives et ne soulèvent pas de tensions dans les régions. Année après année pourtant, les rapports de la Cour des comptes, de l’OCDE ou de l’OMS soulignent que la France est mal classée pour les actions de prévention. Tous les plans gouvernementaux promettent d’améliorer la situation mais, en pratique, ne parviennent pas à s’inscrire dans un système hospitalo-centré, fait pour soigner, et moins pour prévenir. La France dépense moins de 2% de ses dépenses courantes de santé aux actions de prévention selon Eurostat. En milliards d’euros cela représente 4 milliards pour la France quand l’Allemagne est à 10 milliards pour l’année 2017. De surcroît cette compétence reste encore aujourd’hui mal définie et trop partagée entre des acteurs qui au niveau national ou local s’occupent de prévention, de veille sanitaire et de santé publique.
La crise du Covid-19 a montré que dans le rôle de «l’anticipation et la préparation des crises» les ARS ne s’étaient pas montrées plus efficientes, même si, sans doute, elles ont pris leur part.
Régulation de l’offre de santé.
Ce rôle est beaucoup plus opérationnel et source de tensions, même en temps normal. Concrètement, les agences régionales attribuent le budget de fonctionnement des hôpitaux, cliniques, centres de soins ainsi que des structures pour personnes âgées, handicapées et dépendantes. La régulation comporte une dimension territoriale – pour une meilleure répartition des médecins et de l’offre de soins sur le territoire – et une dimension économique – pour une meilleure utilisation des ressources et la maîtrise des dépenses de santé.
La régulation est mise en place dans les différents domaines de responsabilité de l’agence :
- L’autorisation de la création des établissements et services de soins et médico-sociaux, le contrôle de leur fonctionnement et l’allocation de leurs ressources ;
- La définition avec les organismes d’assurance maladie et la caisse nationale de solidarité et d’autonomie (CNSA), des actions propres à prévenir et à gérer le risque assurantiel en santé en région ;
- L’évaluation et la promotion de la qualité des formations des professionnels de santé.
Pour effectuer ces choix, l’ARS se trouve au carrefour des intérêts des populations et de leurs élus locaux, des responsables des établissements de soins publics et privés, des syndicats de personnels, des professionnels de santé libéraux, et des responsables politiques nationaux.
Aujourd’hui les ARS sont à la croisée des chemins.
Les critiques vis-à-vis des ARS sont justifiées, leur rôle dans un système de santé centralisé donc suradministré, ayant rendu leurs dysfonctionnements inévitables. On ne pourra sortir de cette situation de blocage :
- Tant que le statut des hôpitaux publics ne sera pas aligné sur celui des hôpitaux privés (associatifs ou fondations) comme demandé par de nombreux responsables. Un statut qui les responsabilisera et mettra un terme à la confusion entre le régulateur (l’État, les ARS) et le fournisseur de soins majoritaire (les hôpitaux publics) ;
- Et tant qu’une véritable régionalisation ne confiera pas aux élus régionaux la responsabilité de choix aux conséquences très locales.
Article écrit à partir de celui de Sandrine Gorreri • Philippe François
Une réflexion au sujet de « ARS, découvrons la. »