« Pluie et vent sur Télumée Miracle » un roman de Simone Schwartz-Bart
« En faisant le récit de son histoire, on ne la revit pas on la recrée” (Boris Cyrulnick).
La mémoire n’est pas une simple résurgence du passé mais le tissage sélectif dans lequel l’empreinte qu’ont laissé certains événements sur notre subjectivité et notre affectivité sert de matériau à l’imaginaire.
C’est un très beau roman que je vous propose de découvrir et que je vous encourage à lire : une magnifique page de poésie ouverte sur un monde plein de surprises…de soleil et de pluies, de vents et de parfums…de tempêtes et de cyclones…La Guadeloupe comme vous ne la connaissez peut-être pas…
Le roman de Simone Schwarz-Bart, Pluie et vent sur Télumée Miracle, se présente comme le récit autobiographique d’un personnage narrateur, Télumée.
En se penchant sur l’histoire de la vie d’une jeune paysanne guadeloupéenne, l’auteure explore les liens entre mémoire individuelle et mémoire collective – une mémoire inscrite dans la mémoire des lieux.
La quête identitaire de Télumée qui constitue l’axe du roman est inséparable de la question de l’individu et du rapport au monde « L’homme et le monde sont liés comme l’escargot et sa coquille » (Milan Kundera)
Et faisant le récit de son histoire individuelle, Télumée, s’interroge également sur l’ histoire de son peuple:
“Il y a bien longtemps que j’ai laissé ma robe de combat [ … ] je reste sur mon petit banc […] à chercher mon temps à travers la fumée de ma pipe, à revoir toutes les averses qui m’ont trempée et les vents qui m’ont secouée”.
“ […] je pense à ce qu’il en est de l’injustice sur la terre, et de nous autres en train de souffrir, de mourir silencieusement de l’esclavage après qu’il soit fini, oublié”.
Si Pluie et Vent sur Télumée Miracle a été qualifié – notamment par Patrick Chamoiseau – de texte incontournable de la littérature antillaise, c’est également parce que ce roman inscrit magnifiquement et poétiquement le rapport entre oralité et écriture.
« Chez les Antillais, peuple d’origine africaine, la fonction de la mémoire est liée à l’oralité. Pendant la période de la traite, les esclaves antillais sont parvenus à se rattacher à leurs racines africaines en créant la langue créole pour pouvoir communiquer entre eux. C’est la nuit, après le travail dans les champs de canne, que l’on se transmettait l’histoire des généalogies, d’où l’expression “parole de nuit”. Cette “parole de nuit” “a fourni la base de la désaliénation de l’esclave; elle a permis à l’Antillais de résister au système d’assimilation mis en place par le colonialisme. (Edouard Glissant).
Bonne lecture !